Face à la situation climatique et aux dérèglements qui s’accentuent, les villes denses et leurs habitants sont particulièrement vulnérables.
Les villes cumulent en effet de nombreuses fragilités, qu’il s’agisse de la qualité de l’air, du coût de la vie, de la saturation des transports, d’un certain rejet suite aux épisodes de confinement ou encore des situations de surchauffe répétées en été.
Ces difficultés ont été accentuées par l’importance historique du processus de métropolisation dans notre pays, qui a concentré l’emploi et les populations dans des milieux urbains denses voire saturés. L’éloge de la densité, facteur de limitation de l’étalement urbain et condition de la ville durable se confronte désormais aux limites de son acceptabilité.
Il est urgent de s’attaquer à ce sujet en considérant la permanence des villes.
Ville de demain et rééquilibrage métropolitain
En France, le nombre annuel de constructions neuves représente moins de 1 % du parc de logement existant. Ce chiffre est particulièrement faible dans les villes denses. À Paris il est de 0,3 %. En Isère, la variation annuelle du nombre de logements est en moyenne de 1,1 % à l’échelle du département, elle descend à 1 % à l’échelle de la métropole grenobloise et à 0,8 % au niveau de la commune de Grenoble. Le Grenoble de 2050 est construit à près de 80 %, pour Paris ce chiffre est de l’ordre de 93 %.
La ville de demain est donc déjà-là… dans son bâti et dans sa forme. Il s’agit d’en inventer les usages et d’en améliorer l’existant. À ce titre, la conception d’habitats collectifs en milieu urbain s’attache désormais à penser les conditions thermiques estivales au même titre que celles hivernales. Les caractéristiques de l’immeuble et du logement doivent évoluer pour limiter les pièges de chaleur, favoriser la conception aéraulique des bâtiments et les îlots de fraîcheur, prendre en compte les caractéristiques physiques des matériaux, faciliter la ventilation naturelle, etc. En ce sens, les qualités spatiales et structurelles de nombreux bâtiments existants, notamment ceux qui n’étaient pas initialement destinés à accueillir des logements, sont une ressource qu’il faut exploiter judicieusement dans le cadre d’une politique ambitieuse de rénovation et de réhabilitation.
Ces paramètres sont essentiels pour redonner sa chance et son intérêt au logement collectif en ville, trop souvent opposé à l’idéal de la maison individuelle. Opposition qui a été fortement réactualisée et alimentée par les épisodes de confinement liés à la crise sanitaire de Covid-19, encourageant notamment de nouveaux modes de travail et de vie, avec le développement du télétravail. Ceux-ci invitent à revoir nos schémas urbains traditionnels, à l’aune d’un rééquilibrage entre les territoires urbains, périurbains et ruraux.
Le « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) est la prochaine révolution réglementaire annoncée en matière d’aménagement du territoire pour réduire drastiquement la consommation et l’imperméabilisation de terres naturelles. Il faut pousser la réflexion jusqu’à un rééquilibrage territorial devenu nécessaire.
Il semble dès lors primordial d’inventer de nouvelles formes de coopérations plus équilibrées et mieux structurées entre et au sein des métropoles. Ces dernières ne peuvent être une somme de villages autocentrés facteurs de disparité et d’exclusion. Aujourd’hui, la succession et la superposition de différentes crises, notamment sociale, sanitaire, géopolitique, énergétique et climatique dessinent un point d’inflexion et un moment favorable à l’action.
Desserrer la ville en adaptant les mobilités
Penser le desserrement du tissu fonctionnel de la ville, c’est retrouver un sol naturel et respirant au bénéfice des habitants, et non pas lui donner la liberté de s’étendre et se répandre. Ce mouvement doit dans le même temps préserver l’identité et les qualités intrinsèques des centres urbains, l’esprit foisonnant des villes.
Pour ce faire, il faut revoir en profondeur l’économie des opérations et réinterroger la valeur du foncier. Accepter une densité construite moindre implique nécessairement un effort d’investissement bénéfique sur le long terme. On ne peut pas promouvoir une densification urbaine générée par la sacralisation des zones rurales, et s’émouvoir des conditions de vie de plus en plus dégradées des populations urbaines et périurbaines, dont les ménages les plus modestes sont les premières victimes. Repenser les territoires métropolitains, c’est donner envie à leurs populations de rester vivre en ville plutôt que de les encourager à l’exil.
Ces évolutions impliquent le développement de réseaux de mobilités repensés, entre enjeux de décarbonation, évolution des modes actifs et amélioration des réseaux de transport en commun. Il faut dans le même temps dépasser la critique trop facile du modèle de la maison individuelle dont il s’agit au contraire de garantir la capacité à se réinventer et à s’inscrire dans une démarche de développement durable.
Tout ces enjeux doivent devenir les nouvelles ambitions des métropoles qui s’imaginent en « Grand ».
paroles de François Leclercq
entretien avec Michelle Daran
entretien avec Isabelle Reynaud