L’aire grenobloise face aux risques systémiques de l’anthropocène
De septembre à décembre 2019, dans le cadre d’un atelier inter-masters lié au programme de recherche Popsu Grenoble, une soixantaine d’étudiants de l’IUGA ont planché sur la fragilité de nos modèles de développement et de nos modes de vie face aux risques systémiques liés à l’anthropocène. Ils ont également exploré des chemins de de résilience pour l’aire grenobloise.
Les étudiants ont choisi d’explorer une sélection de risques systémiques documentés par des chercheurs ou vécus par des territoires en France ou dans le monde :
Conséquences locales du changement climatique (sécheresses, canicules, réduction de l’enneigement)
Raréfaction de la disponibilité des énergies fossiles ainsi que des ressources rares ou non renouvelables nécessaires à la transition énergétique
Rupture d’approvisionnement électrique
Rupture dans le fonctionnement des réseaux numériques
Rupture dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire et dans la disponibilité des « intrants » nécessaires au modèle agricole productiviste
Effritement des capacités d’action territoriales de l’État et des grands services publics dans un contexte de crise durable des finances publiques
Accueil de personnes déplacées / exilées à la suite de catastrophes climatiques, géopolitiques ou technologiques.
À noter que quelques mois avant la crise de la Covid 19, le risque d’une pandémie majeure n’avait pas été inclus au panel de risques systémiques explorés par les étudiants ! Inversement, marqué par l’actualité de l’époque (incendie de l’usine Lubrizol à Rouen), un groupe avait choisi d’explorer les conséquences locales d’une catastrophe industrielle majeure.
Quelles pistes de résilience ?
Face à ces menaces, différentes solutions – plus ou moins réalistes – ont été esquissées par les étudiants. Regroupées en huit « pistes de résilience », elles questionnent en profondeur le mode de développement et de gouvernance de l’aire grenobloise.
Transhumance humaine. Une grande partie de la population et des activités économiques associées migrent en montagne l’été pour échapper aux canicules extrêmes de la « cuvette » grenobloise. Les anciennes stations de ski accueillent ces populations « transhumantes » et développent des activités agricoles pour les nourrir. Par ailleurs, des aires de bivouac écologiques sont aménagées dans les montagnes les plus proches pour permettre aux habitants de passer quelques nuits au frais. Ces migrations se font principalement à pieds, en vélo ou en transports collectifs.
Développement des collectifs et réseaux de solidarité locaux entre habitants. Mis en place dans chaque quartier voire dans chaque immeuble, ces réseaux jouent un triple rôle : accueil et entraide au quotidien notamment vis-à-vis des réfugiés et des personnes sans domicile ou précaires ; diffusion d’une culture du risque (savoir quoi faire en cas de crise) et de savoir-faire permettant d’être plus autonomes au quotidien (jardiner, faire ses conserves, cuisiner des produits frais, réparer son vélo) ; gestion des situations de crise, en complément des systèmes existants de protection civile.
Création de refuges urbains. Ils sont conçus comme des centres sociaux gérés par les collectifs et réseaux de solidarité locaux. En cas de crise, ces centres sociaux – implantés dans chaque quartier – deviennent des lieux-ressources pour les habitants : accès aux communications, distributions alimentaires, stocks de graines, de composts et d’outils pour mettre rapidement en place une agriculture de subsistance…
Reterritorialisation de la production alimentaire. Pour anticiper la fragilisation des chaînes d’approvisionnement, il est nécessaire de développer la capacité locale de production – transformation – distribution. Même si l’autosuffisance alimentaire n’est pas atteignable, il existe d’importantes marges de progression si on parvient à mobiliser habitants (jardin), agriculteurs, artisans et industriels locaux de l’agroalimentaire, distributeurs (grandes surfaces, MIN de Grenoble) et pouvoirs publics. Dans ce contexte, une zone-pilote pour la résilience alimentaire est aménagée sur les terres fertiles de la vallée de l’Isère.
Low-tech et innovations sobres. L’accent est mis sur le développement de systèmes robustes, aisément réparables, moins gourmands en énergies, peu ou pas dépendants de ressources rares ou non renouvelables et si possible, produits localement. Ils permettent à la fois de réduire l’empreinte écologique du territoire et peuvent prendre le relai en cas de défaillance des systèmes high-tech. Dans le domaine agricole, l’accent est mis sur la permaculture et l’agroforesterie pour limiter puis éliminer le recours aux énergies fossiles et intrants chimiques. Pour l’habitat, la rénovation énergétique des logements est massivement déployée.
Reterritorialisation des modes de vie. La sobriété énergétique subie ou choisie implique de réduire voire de rationner l’usage de la voiture. Les déplacements quotidiens de longue distance sont plus difficiles et les modes de vie se recentrent sur le bassin de vie locale (à une demi-heure de marche ou de vélo) même si le train permet de conserver un lien entre les territoires. Pour anticiper ces évolutions, la production de logements est recentrée autour des différents bourgs de l’aire grenobloise et les budgets d’investissement sur les mobilités sont recentrés vers les modes actifs (vélo, marche) et le train.
Gouvernance interterritoriale repensée à l’échelle de l’aire grenobloise. En lien avec la reterritorialisation des modes de vie et des productions, la gouvernance de l’aire grenobloise est renforcée au service d’une logique de coopération entre des territoires plus autonomes qui échangent des ressources complémentaires (eau, alimentation, énergie, bois, productions artisanales et industrielles, services). Une instance politique aux compétences élargies assure le pilotage global de l’action publique sur des sujets d’intérêt commun à l’échelle des 12 intercommunalités de l’aire grenobloise (espace d’interdépendance pertinent au regard des défis à résoudre).
Stratégie locale de résilience systémique. Cette stratégie, impulsée à l’échelle de l’aire grenobloise, permet d’approfondir et mettre en œuvre les pistes évoquées plus haut. Elle doit impliquer habitants, entreprises, gestionnaires de service public, sécurité civile, chercheurs ainsi que les différents niveaux d’administration territoriales. Elle permettra également d’anticiper la relocalisation ou l’accueil de populations déplacées grâce à des zones à urbaniser « résilience » (activables en cas de crise) et un partenariat avec des entreprises locales pour la production rapide d’habitats modulaires de qualité.
Procès version clip
Procès version longue
Liste des participant-e-s au procès
Quelles pistes de résilience ?