La métropole HOSPITALIÈRE

Nouveau référentiel

La métropole grenobloise à l’épreuve du concept d’hospitalité

Écrit par : Magali Talandier, professeure en urbanisme et aménagement du territoire, UGA/Pacte, et Louna Villain, stagiaire

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Magali Talandier, professeure en urbanisme et aménagement du territoire

À l’issue de la crise de 2008, les Métropoles étaient attendues pour relancer la croissance nationale : et si elles devaient aujourd’hui relever davantage le défi de l’hospitalité ?

Afin d’explorer les implications qu’aurait une politique de l’hospitalité sur le fonctionnement de la Métropole, nous avons mené une trentaine d’entretiens au printemps 2019 avec les agents des cinq grandes directions : la direction des services techniques métropolitains, la direction de la cohérence territoriale, la direction de la cohésion sociale et urbaine et enfin, la direction du développement et de l’attractivité. Nous avons interviewé tous les directeurs et directrices de service, ainsi que plusieurs chargés de mission.

L’hospitalité, de quoi parle-t-on ?


Si le concept d’hospitalité a évolué dans le temps et continue de recouvrir plusieurs significations, nos analyses mettent en évidence la persistance de trois acceptions. Selon les contextes et les acteurs, l’hospitalité fait référence à la solidarité, la qualité de vie, mais aussi à l’attractivité. L’hospitalité au sens de solidarité se rattache à sa définition première : un acte spontané et individuel, parfois tinté de morale, envers la personne vulnérable ou l’étranger. La seconde acception, associée aux questions urbaines ou métropolitaines, est peu employée et renvoie plutôt à la notion de bien vivre ou de qualité de vie. Enfin, nous verrons que le troisième champ lexical, qui associe l’hospitalité à l’idée d’accueil, et donc élargit le sujet aux politiques d’attractivité, n’est pas absente de nos entretiens.


L’hospitalité, une notion nouvelle pour les services de la Métropole


Les résultats montrent que la notion d’hospitalité, même si elle n’est pas encore utilisée, fait aisément écho aux politiques menées. Premier étonnement cependant : alors même qu’il est en charge des enjeux de solidarité, le service « cohésion sociale » apparait comme le plus réticent quant à l’usage de cette notion. Ici, l’idée sous-jacente de charité interroge. A l’opposé, la direction du service économique y voit un facteur essentiel de l’attractivité territoriale et possiblement, un levier de renouvellement des politiques économiques de la Métropole. Ainsi, son appropriation, bien que variable d’un service à l’autre, ne soulève pas de problème majeur voire d’objection.


Un levier de transversalité


Le deuxième résultat porte sur le décloisonnement des pratiques. Tous les enquêtés considèrent qu’une politique de l’hospitalité obligerait à plus de transversalité entre les directions et nécessiterait un décloisonnement des compétences dans les modes de travail des agents et des élus métropolitains. Par exemple, la question du numérique est traitée par la politique de la ville et la direction de l’innovation et de l’excellence scientifique de manière bien différente. L’un vise le rattrapage des personnes en difficulté, l’autre l’excellence et l’innovation numérique. Même si les cibles sont différentes, aborder la question numérique sous l’angle d’une politique d’hospitalité pourrait accroître, selon nos interviewé.e.s, la perméabilité entre les directions et ainsi faire émerger une intelligence collective sur cette question.

L’analyse des regards croisés entre services met, par ailleurs, en lumière les enjeux communs à chaque direction pour tendre vers une Métropole hospitalière, à savoir adaptation et lutte contre le changement climatique ; qualité de vie urbaine ; cohésion sociale et identité territoriale.


L’hospitalité métropolitaine, un exercice d’équilibriste ?


Enfin, parce qu’elle décline sa politique pour tous types d’usagers et à différentes échelles, la Métropole est considérée par certains interviewés comme déjà hospitalière. Cependant, en essayant d’articuler rayonnement international, développement économique, protection de l’environnement, prise en compte des besoins des classes vulnérables, bien être des habitants, aménagement urbain… on sent pointer le risque de voir l’hospitalité des uns se perdre au détriment des autres.


Ainsi, en choisissant l’hospitalité comme référentiel, nos analyses confirment le besoin de transversalité, mais également des pratiques et injonctions parfois contradictoires. L’hospitalité peut apparaitre comme un référentiel commun pertinent, susceptible de favoriser les passerelles entre des actions trop souvent pensées et menées de façon sectorielle. La pandémie a fait naître de nouvelles attentes pour améliorer le quotidien des populations (santé, commerce, qualité de vie…), favoriser les relations de proximité (alimentation, relocalisation industrielle…), faire face aux défis environnementaux (climat, pollution, biodiversité…). Dans ce contexte, abandonner le couple attractivité/compétitivité pour celui de l’hospitalité/résilience pourrait modifier les curseurs de l’action locale, voire même les fondements des politiques métropolitaines. À suivre…


Entretien avec Hélène Clot, Grenoble-Alpes Métropole paroles de Magali Talandier et Louna Villain

De l’attractivité à l’hospitalité. Un changement de paradigme ?