La métropole HOSPITALIÈRE

Collectifs solidaires

Pour des métropoles-refuges ?

Écrit par : Karine Gatelier, Modus Operandi et laboratoire Pacte, Cristina Del Biaggio, Institut d’urbanisme et géographie alpine (Université Grenoble Alpes) et laboratoire Pacte, Camille Noûs, Laboratoire Cogitamus

Karine Gatelier et Cristina Del Biaggio
Karine Gatelier, Modus Operandi / laboratoire Pacte et Cristina Del Biaggio, Institut d’urbanisme et géographie alpine (Université Grenoble Alpes) / laboratoire Pacte
2020-08-09_Carte_2020_A5-grenoble-1.png
Accueil citoyen des personnes à la recherche d'un refuge . Un lien à construire pour les métropoles. Les cartes postales POPSU Cette carte postale étudie les "collectifs solidaires" et les liens entre les territoires ruraux de l'accueil et ceux de la métropole.
2020-08-09_Carte_2020_A5-grenoble-23.png

Contexte


Dès l’été 2015, une réaction d’indignation face aux politiques anti-migratoires suscite une mobilisation citoyenne en Europe. Pour pallier les manquements de l’État notamment à prendre en charge les demandeur·e·s de refuge à qui un hébergement est pourtant garanti par la loi, l’« hospitalité privée » (Agier et al., 2019) s’organise. Dans les trois massifs montagneux entourant Grenoble, des collectifs offrent des solutions d’hébergement à des personnes exilées à la rue que nous avons étudié à partir d’une enquête ethnographique1.


Débuts et suite


Constitués de personnes qui, dans leur majorité, n’étaient pas investies dans la solidarité avec les exilé·e·s, étant éloignées des réseaux de solidarité présents surtout en ville, les collectifs trouvent dans l’association Accueil demandeurs d’asile (ADA) un partenaire pour concrétiser leur projet d’hospitalité. Avec le temps, ils produisent de véritables expérimentations et innovations de l’accueil, face à l’étendue des besoins, à travers des pratiques d’accompagnement et d’hébergement auxquelles ils et elles se forment en devenant de réels experts de ces situations. En termes quantitatifs, les collectifs offrent un nombre de places équivalent à celles d’un petit CADA2.



Dépasser les limites administratives


Les collectifs forment un « archipel »4 et dessinent un continuum territorial entre la ville, le territoire métropolitain et l’espace péri-métropolitain. Leur inscription spatiale se bâtit en complémentarité avec l’offre publique – structurellement insuffisante – mais également en opposition à celle-ci. En effet, l’hébergement offert par les collectifs se concrétise en rejet de la création des catégories administratives qui (dé)limitent les personnes bénéficiaires (Canut, 2016).


Source : Agnès Stienne et Pauline Ronchera, 2021


Inconditionnalité et autonomie


Ainsi, et contrairement aux structures publiques, les collectifs offrent un accueil inconditionnel – indépendamment du statut administratif – et visant l’autonomie. Au-delà de la mise à disposition d’un toit, l’accueil solidaire crée une sécurisation indispensable à l’arrivée, la possibilité d’un ancrage dans le territoire et une stabilité nécessaire à la poursuite du projet migratoire, à partir des souhaits des personnes accueillies.


En conclusion


« De l’attractivité à l’hospitalité : pour une politique du quotidien » est un des axes thématiques proposé par le programme Popsu Métropoles (Jaillet, 2020). Notre contribution, en se fondant sur un accueil inconditionnel, préconise une conception des résident·e·s définie par le territoire et la conception d’une citoyenneté en actes. Cette dernière reconnaît les appartenances sociales à la plus petite échelle […] dans la diversité des modes de participation à la vie publique (Gatelier 2017) ; cette conception par le quotidien et les pratiques remet en question les échelles administratives pour leur préférer des échelles plus larges, le territoire péri-métropolitain qui est celui des circulations du quotidien et de l’espace de vie. En outre, la citoyenneté en actes permet la mise en œuvre de l’égalité des droits évitant les écueils d’une gestion par l’humanitaire et embrassant les objectifs de la justice spatiale et sociale.


1 Enquête conduite principalement au printemps 2020 par Karine Gatelier et complétée par un atelier pédagogique, financé par l’IUGA et par le Labex ITTEM dispensé par Cristina Del Biaggio et Karine Gatelier en janvier 2021 dans le cadre du parcours de Master International Development Studies (IDS) à l’Institut d’Urbanisme et géographie alpine (IUGA). Le matériau collecté a été mis en perspective d’entretiens conduits avec des agent·es et élu·es des collectivités locales.

2 Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile

3 Rapports d’activités de l’ADA, les années correspondantes

4 Rapport 2016 de l’ADA, Les possibilités d’un archipel (Accueil Demandeurs d’Asile (ADA), 2016)