Trois transects
L’eau et la pente ont été reconsidérées en questionnant leurs usages passés et présents et en distinguant des lieux à enjeux à l’aide d’une frise chrono-systémique1, et d’une restitution des trajectoires des paysages de l’après-guerre à aujourd’hui, pour trois secteurs de la métropole déterminés en fonction de leurs interfaces plaine/pente. Ce sont les trois transects du projet : “Des pentes du Vercors à celles de la Chartreuse” ; “De la basse vallée du Drac au plateau matheysin” ; “Des pentes de Belledonne au centre-ville de Grenoble”.
Quelles relations tissées au fil du temps ?
De l’analyse de ces transects, il ressort plusieurs phases d’usages socio-spatiaux de l’eau et de la pente qui illustrent la relation ambivalente de la métropole avec ses deux éléments. Une première phase qui s’étire de la fin du 19e s. à la fin des années 1950, où ces éléments naturels sont neutralisés, l’eau est invisibilisée et la pente est mise en arrière-plan ; une seconde phase où les objets de la géographie sont investis par les projets (1960-1980) ; une troisième période où l’eau et la pente redeviennent confidentiels et sont les délaissés de la planification (1980-2000) ; enfin, la période actuelle voit ré-émerger l’eau et la pente dans les projets et une tendance vers un paysage plus inclusif. La Story map (qui est une mise en récit de cartes sous une forme multimédia) détaille ces périodes avec des exemples précis et décrit la relation qui se joue, dans le domaine du visible et celui de l’invisible, entre la métropole et son eau et ses pentes.
Vers un changement de posture
Pendant des décennies, on observe des difficultés à faire projet autour de l’eau et de la pente mais aujourd’hui cette tendance s’inverse. En effet, plusieurs projets émergents qui s’inscriront prochainement dans le paysage métropolitain indiquent ce changement de posture. Nous pouvons citer à titre d’exemple la Bastille qui a été choisie comme lieu Totem pour Grenoble Capitale Verte et la future liaison par câble reliant Fontaine à Saint-Martin-le-Vinoux. Parallèlement, il ressort que l’invisibilisation de l’eau, consciente ou inconsciente, et/ou sa neutralisation, ont eu des effets positifs sur la pérennisation d’espaces agricoles dans le paysage dans des secteurs soumis à une forte pression foncière. Par exemple, la préservation du captage de Rochefort destiné à fournir l’eau de consommation de la métropole a figé le paysage agricole de la plaine (seulement 6 % de perte de parcelles agricoles entre 1992 et 2018). Dans le Grésivaudan, sur les communes de Meylan, Domène et Montbonnot-Saint-Martin, les PPRI et plus récemment, le projet Isère-Amont, ont contribué à stabiliser le paysage en place le long du cours d’eau en revalorisant les espaces agricoles à travers la gestion du risque inondation (3 400 ha de champs d’inondation contrôlés).
Ces changements de canevas historiques ont permis d’éclairer le rapport au sol de la métropole grenobloise, d'interroger les processus de visibilisation et d’invisibilisation qui résultent de choix conscients ou inconscients en nous montrant les rapports de force à l’œuvre entre acteurs (institutionnels ou profanes) et in fine, d’identifier les espaces qui dessinent les enjeux de demain. En prenant appui sur la richesse descriptive de l’OAP Paysage, des prescriptions à une échelle pluri-communale pourraient permettre de réinvestir ces deux objets géographiques emblématiques que sont l’eau et la pente afin qu’ils deviennent les générateurs de projets de sol et plus seulement les réceptacles.
1Une frise chrono-systémique permet d’aborder des temps multiples sur une succession de structures spatiales au travers l’indentification de phases (de transition territoriale par exemple) ainsi que des évènements spatiaux structurants.