Le numérique, outil d’inclusion ? par Claire Namy, Chargé de mission Projets et territoires Projets européens, santé et usages du numérique, Grenoble-Alpes Métropole
À l’heure de la 4G, du tout numérique, du 100 % dématérialisation, des smart cities, des plateformes participatives… Le numérique est plus que jamais d’actualité. On peut accéder à tout, tout le temps. Tout le monde peut participer, communiquer, donner son avis, acheter quels que soient l’heure ou l’endroit. Le numérique est incontournable et facilite la vie, tant personnelle que professionnelle, au quotidien. Oui… à condition d’y avoir accès et de savoir faire…
En effet, suivant une étude récente de l’Insee, « l’illectronisme », terminologie en vogue pour désigner l’illettrisme numérique, concerne 17 % de la population française. Une personne sur quatre ne sait pas s’informer et une sur cinq est incapable de communiquer via Internet. Les personnes les plus âgées, les moins diplômées, aux revenus modestes, celles vivant seules ou en couple sans enfant ou encore résidant dans les DOM sont les plus touchées par le défaut d’équipement comme par le manque de compétences. »1
D’après une étude réalisée par Emmaüs Connect en 2015, 60 000 personnes seraient concernées par la précarité numérique sur les 17 communes centres de la Métropole, dont la moitié serait aussi en situation de précarité sociale.
Mais il serait faux de croire que seules les populations les plus précarisées rencontrent des difficultés. La démultiplication des supports numériques et matériels, le rythme des innovations, l’accélération de la dématérialisation des services sont difficiles à maîtriser par tous. Un diagnostic sur l’accès et les usages du numérique réalisé par Le fil des idées en 2016 pour le compte de Grenoble-Alpes Métropole a montré que la compréhension et la maîtrise de l’e-administration, la maîtrise de son identité numérique, la compréhension et le regard critique des informations, la capacité à contribuer, sont des questions qui se posent régulièrement. De même, si les jeunes sont à l’aise dans l’univers numérique, on constate des usages ludiques restreints qui ne favorisent pas le développement de l’esprit critique, la maîtrise de son identité numérique ou des usages administratifs essentiels à l’insertion. Par ailleurs, sans être non plus une généralité, les conflits entre jeunes via les réseaux sociaux ou la connexion permanente peuvent être facteurs d’exclusion.
L'accompagnement, l’évaluation des compétences, les formations et la multiplication des lieux d’accès accompagnés sont donc indispensables à l'appropriation des usages du numérique par tous. Cet accompagnement implique la formation et la coordination des professionnels sur cette thématique. L’autonomisation des personnes est à rechercher ainsi que l’implication des administrations concernées. La mise en place d’actions qui favorisent le regard critique et la créativité des jeunes, le développement de réseaux d'entraide et d'échange de savoirs, le travail sur la posture éducative, sur la place du numérique dans les initiatives citoyennes existantes en utilisant les outils tels que les fablabs ou médialabs sont à conforter.
Pour cela, la Métropole de Grenoble anime depuis 3 ans un Programme d’actions partenarial sur les usages du numérique pour qu’il soit un véritable outil d’inclusion pour tous. Elle a décidé d’implanter un tiers-lieu numérique – La Machinerie - dans le quartier Politique de la ville Villeneuve-Village olympique de Grenoble où le niveau de vie de ses 14 000 habitants est en-deçà de la moyenne métropolitaine, mais où le tissu associatif et les services publics sont bien développés. Le projet a été retenu dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt « Fabrique numérique de territoire » lancé cet été par le CGET et la Mission société numérique. Avec le concours de plus de 20 autres partenaires (collectivités territoriales, administrations et associations), la Machinerie devrait ouvrir ses portes fin 2020. Des actions, animations ou formations, aussi bien à destination des professionnels que des habitants, seront proposées hors les murs en attendant.
1Insee première, n°1780 octobre 2019