La métropole HOSPITALIÈRE

Perceptions

La montagne pour toutes et tous ?

Écrit par : Magali Talandier, professeure en urbanisme et aménagement du territoire, UGA/Pacte et Maud Schoendoerffer

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Magali Talandier, professeure en urbanisme et aménagement du territoire

De nombreuses études ont montré que l’accès aux espaces de nature contribuait au bien-être des populations (bénéfices en termes de santé, de stress, par exemple). Or, dans la Métropole grenobloise, la nature devient très rapidement un territoire de montagne. La qualité environnementale et paysagère des massifs devrait donc constituer une ressource essentielle pour améliorer la qualité de vie des métropolitains. Oui, mais lesquels ? Les analyses que nous avons menées soulignent les profondes inégalités d’accès à la montagne. Serait-elle un verrou, plus qu’un levier, dans la construction d’une métropole hospitalière ?


La Montagne, inégalement fréquentée


Les analyses menées à partir des données Ibest montrent que bien-être et accès à la montagne sont fortement corrélés, mais uniquement pour les hauts revenus. Au sein des ménages à bas revenus, ce lien n’est plus observé. L’accès aux espaces de montagne ne participerait donc pas à l’amélioration de la qualité de vie des plus défavorisés. Plusieurs facteurs expliquent ce résultat. Dans un ménage à faible revenu, le bien-être est d’abord conditionné par l’accès à un emploi stable, à un revenu décent, par des questions de santé, ou de satisfaction des besoins de première nécessité. L’accès à la montagne peut alors paraître bien secondaire. Mais d’autres raisons sont également à prendre en considération, comme les difficultés liées à l’accès, physique et financier, à ce type de nature. L’indicateur Ibest confirme en ce sens nos hypothèses, puisque plus d’un quart des personnes gagnant moins de 1 000 €/mois déclarent ne jamais fréquenter les espaces de nature situés hors de Grenoble, contre seulement 3 % des personnes gagnant plus de 3 500 €. Dans le même ordre d’idée, pour 20 % des ménages aisés récemment installés dans la métropole, les montagnes ont été l’un des facteurs de leur migration résidentielle. Ce taux n’est que de 7 % pour les ménages plus modestes. Comment expliquer ces écarts ? Est-ce un problème d’offre (pas assez de transports en commun, peu de clubs ou associations…), de coût (équipements, forfaits…), une question d’appropriation sociale et culturelle ?


Comment faire de la montagne un vecteur d’hospitalité pour tous ?


Afin d’apporter des éléments de réponse, nous avons réalisé un diagnostic de l’offre et de la demande de montagne dans les quartiers prioritaires de Grenoble, Fontaine, Échirolles et Saint-Martin-d’Hères. La démarche interroge la quantité et qualité de l’offre de services, mais aussi la capabilité des individus à la fois à s’en saisir, ainsi que leurs libertés et préférences individuelles.


1- Quelles offres pour pratiquer la montagne ?

L’offre permettant de pratiquer la montagne est relativement abondante à l’échelle de la Grenoble-Alpes Métropole, notamment pour les enfants. Dans de nombreux établissements scolaires, des sorties au ski, financées par les communes, sont par exemple proposées. Le programme départemental « à la découverte des espaces naturels sensibles » offre également aux élèves un éveil à la nature, y compris en montagne. En 2021, plus de 8 000 élèves de l’agglomération grenobloise en ont bénéficié1. D’autres structures, comme les services des sports des mairies ou les maisons des jeunes et de la culture (MJC) proposent des sorties dans les massifs environnants à des tarifs réduits. Dans le secteur privé, les clubs sportifs, souvent structurés autour d’une activité principale comme le ski ou l’escalade, sont également nombreux à l’échelle de la métropole. Enfin, certains comités sociaux et économiques et associations professionnelles (CSE) proposent des sorties au ski pour les enfants des salariés, à l’instar du comité du CEA et de ST Microélectronic.


2- Quelles capacités à s’en saisir ?

L’offre existe, mais, selon les professionnels de la montagne interrogés, elle peine parfois à rencontrer son public. En raison des coûts engendrés et de la complexité administrative, certains établissements scolaires et certaines structures associatives ne souhaitent pas (ou plus) proposer de sorties en montagne. L’accès des jeunes de la métropole à l’offre « publique » n’est donc pas systématique. Parfois l’action des clubs compense le déficit. Cependant, leurs tarifs demeurent généralement trop onéreux et peu sont finalement situés dans les quartiers prioritaires. Lorsque les familles veulent aller en montagne par elles-mêmes, elles déclarent se heurter à la question du transport. Pour celles possédant une voiture, une appréhension quant à la route apparaît. Un accès en transport en commun est possible, mais les horaires et les itinéraires demeurent limités, l’information jugée insuffisante. De plus, le fait que les bus partent essentiellement du centre de Grenoble est également perçu comme un frein par les familles interrogées. Enfin, indépendamment de l’offre et de l’accessibilité, la montagne demeure, pour beaucoup, un milieu hostile, accidentogène, un lieu où les familles estiment ne pas savoir quoi faire une fois sur place. Si les personnes interrogées se sentent attachées à la montagne, c’est plus en tant que toile de fond, paysage du quotidien, que de lieu de loisir ou de récréation.


3- Quelles libertés et préférences individuelles ?

Dans les quartiers populaires de la métropole grenobloise, le besoin de nature n’est finalement que rarement associé aux pratiques en montagne. L’enjeu social ne réside donc pas nécessairement dans la connexion de la plaine aux sommets, mais dans l’élargissement d’une offre de proximité pour toutes et tous. Les interviewés plébiscitent les espaces de nature proches, ludiques, accessibles facilement, situés au bas des pentes. Les sites permettant la réalisation d’activités sportives, récréatives (baignade, luge…) ainsi que certains aménagements (tables de pique-nique, barbecues…) sont également recherchés. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les lieux de plaine existants (Bois français, parc de l’île d’amour…) sont spontanément associés à la montagne par les familles. Ainsi, même à distance, la montagne demeure un référent collectif pour l’ensemble des métropolitains.


1 Source : département de l’Isère, 2021


voir le schéma de fréquentation des espaces de nature... voir le schéma des facteurs d’installation dans la Métropole voir les cartes des sites de montagne et massifs fréquentés par les écoles et structures privées...