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entretien avec Franck Paillaret et Frédéric Mie, Les Affranchis
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entretien avec Franck Paillaret et Frédéric Mie, Les Affranchis
La métropole EXPÉRIMENTALE
Si une des composantes de l’économie métropolitaine grenobloise s’inscrit dans le déploiement sur la longue durée de secteurs d’activités « innovants », on peut interroger les capacités de ces innovations à apporter des solutions concrètes à une demande sociale « locale » soucieuse de s’inscrire dans une démarche de transition. La question de l’empreinte écologique et la finalité sociale de l’activité sont des éléments pouvant accompagner la résilience de l’activité économique ici entendue sous l’angle d’une capacité d’adaptation voire de transformation de l’économie locale. Les entreprises « sociales » reposent sur quatre piliers : gouvernance participative, projet économique, finalité sociétale et lucrativité limitée. Nous avons porté le souci d'interroger leurs rapports singuliers au territoire à partir de questions telles que : les ressources mobilisées lors du processus de création sont-elles « locales » ? Les marchés de ces entreprises sont-ils locaux ?
Nous avons interrogé quarante entrepreneurs sociaux (production de savon biologique, alimentation, livraison locale à vélo…) respectant certains critères : création depuis moins de cinq ans, entité sur le territoire métropolitain, statuts déposés et identité claire d'entreprise sociale. Grâce à la méthode dite des narrations quantifiées (Grossetti, 2011), nous avons reconstitué sur une base chronologique les différentes ressources mobilisées et leurs modalités d’accès dans le processus de création de ces entreprises sociales. Nous avons alors adopté un traitement statistique descriptif pour construire des croisements : par exemple les liens institutionnels, c’est-à-dire les acteurs institutionnels (dont la mission est de porter des politiques publiques) qui ont permis l’accès à des ressources avant le dépôt des statuts, sont pour près de 57,7 % inscrits dans le territoire métropolitain grenoblois.
Nous constatons une forte relation de dépendance des entrepreneurs sociaux vis-à-vis de liens (et donc de ressources) se déployant à l’échelle du territoire métropolitain grenoblois : 52,9 % des ressources mobilisées avant le dépôt des statuts sont issues du territoire. Cet encastrement territorial augmente après le dépôt des statuts (64,6 % des ressources mobilisées proviennent du territoire). Cela concerne tout autant des ressources de type conseils juridiques, ressources humaines, informations et les marchés. Si le reste des ressources est mobilisé au niveau national (les financements notamment), la faible part des ressources mobilisées au niveau régional reste une surprise et témoigne de peu de liens entre ces entrepreneurs et les « autres territoires ». Quand ces liens existent, ils illustrent certaines carences fonctionnelles du territoire métropolitain. Cette analyse dynamique de l’activité nous donne à voir l’émergence de diverses formes d’économie de proximité qui vont progressivement se coupler à une demande sociale très « locale ».
Nous observons aussi que les acteurs institutionnels jouent un rôle déterminant dans la bonne mise en œuvre de ces initiatives en fournissant des conseils techniques et juridiques ou des financements. 47 % des ressources mobilisées le sont par l'intermédiaire d'une institution avant le dépôt des statuts, 34 % après. Même si le rôle de ces institutions tend à s’effriter au cours du temps (relai étant pris par des liens marchands), le caractère de plus en plus « local » de ces relations accentue l’idée de l’émergence d’intérêts marchands et politiques portés par les entrepreneurs sociaux. De manière assez surprenante, les liens interpersonnels (faibles et forts) ont comparativement peu de poids dans l'accès aux ressources : ces projets s’inscrivent dans diverses démarches de « ruptures » professionnelles amenant ces entrepreneurs à s’éloigner de leurs sphères relationnelles antérieures. Les liens institutionnels viennent alors pallier ce déficit.
Si les ressources mobilisées par ces entrepreneurs sociaux se déploient dans un environnement très lié à des politiques publiques locales, ces initiatives se retrouvent paradoxalement très éloignées des réseaux d’acteurs (et donc des ressources) évoluant dans le monde de l’innovation technique et technologique grenoblois. En effet, seulement 2 % des ressources mobilisées par ces entrepreneurs en sont issues. Au vu du tissu particulièrement dense des dispositifs et réseaux évoluant au bénéfice de l’innovation technologique dans la métropole grenobloise, il existe un vrai enjeu à développer des dispositifs ou des espaces de dialogue entre ces deux mondes économiques au bénéfice de la résilience du territoire. L’innovation technique et technologique pourrait venir alimenter en solutions concrètes ces aspirations sociales et inversement, l’économie sociale et solidaire pourrait favoriser la prise en compte de problématiques socio-environnementales au sein de cette économie de l’innovation.