Les mutations technologiques ont souvent produit des changements sociaux importants qui se traduisent dans l’espace et la pratique de l’aménagement. Ainsi nous pouvons imaginer quatre scénarios quant à l’impact du numérique. Illustrés ci-dessus, ils sont développés dans L’urbanisme à l’heure du numérique.
la boussole de l'urbanisme numérique
Scénario 1, un urbanisme algorithmique ou le retour des experts, qui repose sur l’accès à des données supplémentaires dont le traitement est fluidifié par le numérique. La numérisation des méthodes d’aménagement correspond alors au retour d’un urbanisme d’expertise avec la domination d’acteurs techniques dans la production urbaine. Cela donnerait une nouvelle jeunesse à une approche rationnelle qui apparaîtrait maintenant sous les traits d’un urbanisme durable.
Scénario 2, un urbanisme ubérisé sous la pression d’une extension du domaine du capitalisme urbain, qui renvoie à l’économie digitale et à l’émergence de nouveaux acteurs dans la production urbaine, remettant en cause la légitimité et la capacité d’action des acteurs institutionnels. Il s’agit d’une poursuite de la privatisation de la ville avec l’intervention croissante des acteurs privés à côté des acteurs publics.
Scénario 3, un wiki-urbanisme à la recherche d’une ville alternative, qui renvoie au mouvement des « Civic Tech », développant des dispositifs sociotechniques au service d’un renouveau démocratique. Cette dynamique n’est pas nouvelle. Les mouvements sociaux s’appuient maintenant sur le numérique et viennent ainsi renforcer l’approche communicationnelle de l’aménagement. Comme l’urbanisme ubérisé, le wiki-urbanisme peut constituer une remise en cause des acteurs publics.
Scénario 4, un urbanisme open-source par le renouveau des pratiques des institutions de l’aménagement, qui concerne les institutions avec l’ouverture des données publiques (open data) et le renouveau des instruments de la participation. Le numérique vient ainsi apporter des ressources supplémentaires pour rendre plus tangible le tournant collaboratif dans l’urbanisme.
Ces quatre directions possibles sont davantage complémentaires que contradictoires. L’une ne va pas éclipser toutes les autres. Il est donc possible de repérer des interactions dans des configurations locales forcément inédites et hybrides qui illustrent la diversité des effets du numérique. L’avenir dira si la numérisation progressive des villes sera à la hauteur des promesses mais nous pouvons déjà faire l’hypothèse qu’il s’agira d’un élément central de l’évolution de la pratique de l’urbanisme.