L’Agence d'urbanisme et Orange étaient co-organisateurs en janvier 2019 d’une soirée d’échanges sur le véhicule autonome et ses conséquences sur l’espace public, dans le cadre du festival TransFo organisé par French Tech in the Alps.
Le véhicule autonome fait figure aujourd’hui de « solution magique » pour certains et à l’inverse, renvoie vers une science-fiction peu désirable pour d’autres. L’objectif de la séance était donc de tenter de désacraliser cet objet, en ouvrant le débat entre des experts et le public, pour mieux comprendre les enjeux, les freins, les espoirs et les limites d’un tel concept. Animée par Natacha Seigneuret, directrice de la Structure fédérative de recherche Territoires en réseaux cette séance comportait un premier volet technique suivi d’un second plus sociologique, afin d’imaginer ce que pourrait être la métropole grenobloise avec le véhicule autonome.
Rolland Cotte, Directeur du laboratoire de Clermont-Ferrand au sein du Cerema, a proposé un décryptage technique du véhicule autonome, focalisant sur l’état d’avancement des recherches en cours et sur la mise en place progressive du cadre législatif. Puis Cédric Seureau d’Orange Labs s’est concentré sur les enjeux de connectivité que sous-tend le véhicule autonome. Il a notamment insisté sur le fait que le développement du véhicule autonome était étroitement lié au développement du réseau 5G. En effet, seule la 5G et ses débits considérables peuvent permettre de traiter en temps réel la masse astronomique de données nécessaires au bon fonctionnement du véhicule autonome qui communique avec son infrastructure, les autres véhicules mais aussi, les autres usagers de l’espace public.
Gabriel Jourdan, chargé d’études mobilités à l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise, a est venu évoquer deux scénarios de développement du véhicule autonome. Dans le premier, ce véhicule serait individuel, avec le risque de rendre la voiture de nouveau attractive et de renforcer les effets indésirables qu’on lui connait (étalement urbain, occupation du domaine public, précarité des ménages…). L'autre scénario est celui du véhicule autonome partagé, où le véhicule autonome jouerait le rôle de « robot taxi ». Cependant, le difficile décollage de l’autopartage aujourd’hui dans les trajets domicile-travail tend à rendre ce scénario très hypothétique. Il ne pourrait être rendu possible qu’à la condition d’une rupture radicale du rapport à la voiture.
Olivier Zerbib, sociologue, responsable du master Management de l’innovation à l’IAE de Grenoble, s’interroge quant à lui sur le statut de cette « innovation », en proposant un saut dans le passé et un retour sur l’histoire de l’automobile. Il explique que la voiture d’aujourd'hui ne correspond pas à la voiture inventée par les ingénieurs des années 30. Et comme pour toute innovation (il prend l’exemple de la machine à laver et d’erreurs qui ont freiné son usage à ses débuts) l’objet final subit de multiples transformations lors de sa confrontation au public. L’innovation n’est pas un projet mais un trajet, quelque chose qui se transforme au fil de la demande et des usages. Olivier Zerbib conclut sur les questions posées par le véhicule autonome sur les nouveaux acteurs entrant en scène, et les dérives à craindre : ce n’est plus le véhicule en soi qui est porteur de valeur mais les données produites, collectées. Détournées ?
Les échanges ont révélé de nombreuses interrogations ou inquiétudes, tant sur des considérations techniques que sécuritaires voire cyber-sécuritaires. Arnaud Larigaudrie, reporter spécialisé dans l’automobile, a insisté en conclusion sur le rôle des autorités locales, prenant l’exemple des villes allemandes qui - en interdisant le diesel - ont modifié les logiques d’investissement des industriels.