Benoît Parent

Édito

Tous responsables, tous acteurs, tous solidaires

Lorsqu’en 1889 Aristide Bergès vantait les mérites de la houille blanche, il ne se trompait pas : l’électricité n’apportait pas seulement la force motrice, Les hautes températures, la lumière... elle créait alors une ambiance d’espérance et de réussite et semblait porter un idéal de justice sociale et de progrès pour tous. Avec la « Fée Électricité », le mythe d’une région grenobloise pionnière prenait naissance, réactivé avec l’inauguration de la centrale hydro-électrique de Romanche-Gavet en 2020 qui peut couvrir la consommation électrique des villes de Grenoble et Chambéry.

Que de ressources sur notre territoire !

L’hydroélectricité confère à notre territoire une haute valeur stratégique au regard des enjeux nationaux de production d’énergies renouvelables. Mais aussi le photovoltaïque, la géothermie, la méthanisation, l’éolien, la valorisation des déchets et du bois... La présence d’innombrables sites de production (tant urbains que ruraux ou montagnards) révèle la diversité et la richesse de ressources qui, associées à la volonté politique et à la dynamique d’innovation locales, constituent un capital prospère pour la transition énergétique de notre territoire. Doit-on s’en satisfaire ? Évidemment non, dans le contexte d’urgence climatique (mais aussi sociale) et de raréfaction des ressources que nous vivons.

L’efficacité énergétique, une ressource à part entière

Plus que l’indispensable production locale d’énergies renouvelables (qui ne sont pas nécessairement « propres » pour autant), la réalité est qu’il nous faut réduire de manière drastique nos consommations d’énergies. La plupart des scénarios prospectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) montrent que la recherche de l’efficacité énergétique inscrite dans la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte du 18 août 2015 est une priorité. Plus encore, l’efficacité énergétique devrait être appréhendée comme une ressource énergétique à part entière (celle qu’on ne dépense pas ou plus dans le bâtiment et celle qu’on récupère dans l’industrie par exemple). L’autre levier majeur, qui relève d’une grande détermination individuelle et collective, est celui de la sobriété, portant sur la diminution des consommations d’énergie par des changements de modes de vie et des transformations sociétales.

Plus que jamais, la coordination, la coopération et l’interterritorialité sont essentielles

Ces éléments devraient nous inciter à faire de la consommation énergétique et des ressources le principe organisateur de nos politiques d’aménagement et d’urbanisme locales. Demain en effet, comme le précise Géraldine Pflieger dans Grand A Le Mag, “les PLU vont devenir les principaux instruments de la transition énergétique. Le virage auquel on doit s’attendre ne sera pas seulement technologique mais aussi dans la façon dont on aménage les territoires.” Des propos qui font écho aux chantiers engagés dans le cadre du SCoT de la Grande région de Grenoble pour concevoir une véritable planification énergétique territoriale. Chacun dispose d’une partie des ressources ou des solutions nécessaires à l’autre.

La question énergétique a une vertu cardinale : c’est l’occasion de créer un lien gagnant-gagnant entre les territoires urbains et ruraux et espérons-le, par l’addition et la mise en cohérence des initiatives, de créer une chaîne de plus-value au niveau national et planétaire pour lutter contre le changement climatique. “À partir de 2030, notre capacité à accélérer les synergies d’usages locales sera déterminante” nous dit encore la politologue urbaniste.

À l’heure où la crise de la Covid-19 constitue une alerte grave supplémentaire, les élus vont se trouver confrontés à des choix difficiles, des injonctions paradoxales, à la tentation d’actions concurrentielles... Plus que jamais, la vision, la coordination, la coopération et la solidarité interterritoriales sont essentielles. Je vous invite à poursuivre ces réflexions dans Grand A #4, et au-delà.

Bonne lecture.

Benoît Parent,
Directeur général de l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise