ATELIERS

Atelier IUGA/Agence

Quelle adaptation des zones économiques à l'heure du e-commerce ?

Écrit par : Dorian Martin, Chargé d'études Territoires / Commerce à l'Agence

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rendus des étudiants, juillet 2019
rendus des étudiants, juillet 2019

Dans le cadre des travaux du Conseil scientifique de l’Agence consacrés pour l’année 2018 – 2019 à « la ville et les territoires intelligents », un atelier a été commandé aux étudiants du master Urbanisme et projet Urbain de l’Institut d’Urbanisme et de Géographie de Grenoble (IUGA). Au regard de l’avènement du e-commerce, du développement de l’économie numérique et collaborative, de la diffusion de nouveaux services et des nouveaux enjeux des smart-cities, l’atelier visait à tester l’adaptation de modèles de zones économiques périphériques afin de proposer des principes d’évolutions urbaines et de repositionnement de ces sites.

Trois secteurs d’études proposés :

  • La zone d’activités économiques des Sagnes sur la commune de Saint-Martin-le-Vinoux.

  • La zone commerciale de La Carronnerie à Meylan.

  • La zone économique et commerciale Espace Comboire à Échirolles.


Des ateliers en trois étapes

  1. La première phase a permis aux étudiants de préciser les concepts et de se construire une connaissance partagée des enjeux ciblés par le développement de la ville émergente 2.0 autour des questions économiques et commerciales (définition des enjeux des villes et territoires intelligents, recherches autour du développement du e-commerce et des impacts induits sur le commerce traditionnel, recherches spécifiques concernant le développement de l’économie numérique et collaborative au regard des impacts qui peuvent en découler en termes d’organisation spatiale de l’activité économique sur le territoire…).

  2. Le second temps a été consacré à la réalisation d’un « diagnostic territorial ». L’objectif était de comprendre le fonctionnement de chaque territoire d’étude à partir du recueil de données quantitatives et objectives, mais aussi de données qualitatives, afin de faire apparaître, pour chaque site, ses caractéristiques, ses atouts, ses faiblesses et ses potentialités d’évolution.

  3. Le dernier temps de chaque atelier fut consacré à l’élaboration et la spatialisation de différents scénarios d’évolution, voire de mutation / repositionnement des trois zones d’activités économiques et commerciales.


La restitution finale de l’atelier des Masters 1 a eu lieu le 24 mai 2019, après 5 mois de travail.

Trois groupes ont plus spécifiquement travaillé sur le secteur de la Carronnerie de Meylan. Ils se sont attaché à introduire une dimension « experientielle » et « récréative » autour de l’offre commerciale de la zone tout en cherchant à anticiper les impacts de la digitalisation du commerce traditionnel (évolution des surfaces de ventes, évolution des concepts marchands…). L’objectif affiché est de « sublimer » le commerce, en passant d’une consommation « de masse » à une consommation « sur mesure »… Ces orientations communes n’ont pas empêché les trois groupes de présenter trois projets d’évolution bien différents :

  • Projet n°1 « La Carronnerie, un parc naturellement récréatif » : un nouvel espace commercial redimensionné au cœur d’un grand espace vert de rayonnement métropolitain.

  • Projet n°2 « La Carronnerie, un démonstrateur habité » : une zone commerciale monofonctionnelle transformé en un centre-ville urbain mixte rayonnant à l’échelle de la rive droite de l’Isère.

  • Projet n°3 « L’entre-deux » : un projet organisé autour de trois séquences urbaines spécialisées (une première séquence regroupant une nouvelle offre commerciale, une seconde séquence regroupant des logements et une troisième séquence permettant l’implantation une plateforme de distribution logistique).


Les trois autres groupes ont travaillé sur le secteur de la ZAE des Sagnes à Saint-Martin-le-Vinoux. Le diagnostic commun a permis de retracer l’histoire du développement des zones économiques dédiées à l’échelle de l’agglomération grenobloise, de préciser la distribution spatiale de ces ZAE sur le territoire, d’analyser leur morphologie urbaine, leurs typologies architecturales, la répartition des services dans chaque type de zones ainsi que les logiques de mutualisation d’ores et déjà engagées. L’analyse du fonctionnement urbain du site montre que cet espace, en perte de vitesse, doit être requalifié. L’intensification urbaine du site, l’amélioration de son accessibilité, le développement d’une nouvelle offre de services, la mutualisation de certains espaces techniques, l’introduction d’une mixité des fonctions et des usages urbains, la prise en compte des enjeux environnementaux et l’amélioration de la qualité architecturale et paysagère de la zone sont des pistes de travail qui ont été mises en avant. Le « numérique » va permettre d’accélérer la mise en œuvre des pistes de travail évoquées. Trois visions pour une requalification de la ZAE de Saint-Martin-le-Vinoux ont été proposées :

  • Projet n°4 « D’une berge à l’autre, réconcilier la ville avec son paysage » : une zone d’activité économique renouvelée et intégrée au « Parc Mikado » de la polarité Nord-Ouest de la Métropole Grenobloise.

  • Projet n°5 « L’artisanat mutualisé, un nouveau maillage pour les zones d’activités » : mutation de la zone industrielle vers une zone réservée à l’activité artisanale et à la petite production avec proposition de nombreux principes de mutualisation (accès, livraisons, stationnements, services…).

  • Projet n°6 « De la logistique B to B à la logistique urbaine, une plateforme urbaine de distribution » : création d’un hôtel logistique multifonctionnel à l’entrée « nord-ouest » de l’agglomération, et au contact de la ville dense.>br>


La restitution finale des travaux des étudiants en master 2 a eu lieu le 17 mai 2019. Pendant une semaine et demie, 6 groupe d’étudiant ont travaillé sur l’avenir de la zone économiques et commerciale de l’Espace Comboire, implantées sur les communes d’Échirolles, de Pont-de-Claix et de Seyssins, en tentant de répondre à la question suivante : « Quels sont les potentiels d’adaptation d’une zone commerciale de périphérie au regard du développement de l’économie numérique (nouveaux usages, nouvelle pratiques, nouvelles attentes…) ? ».


Un diagnostic commun aux différents groupes a permis de préciser le rôle que cette zone commerciale joue à l’échelle du « Sud Isère », de mettre en avant les caractéristiques du « Grand Paysage » qui entourent le site, de présenter les conditions d’accessibilité de la zone. Une analyse du positionnement commercial de la zone (type d’enseignes…) et une mise en perspective de ce positionnement au regard du développement du e-commerce et des impacts qui en découlent a également été réalisé. Ces différents éléments de contexte précisés ont permis aux différents groupes de proposer des scénarios d’évolution de la zone :

  • Projet n°1 « Comboire, une centralité urbaine reconnectée à son environnement » : affirmer la centralité métropolitaine en repositionnant l’offre commerciale et en déployant de nouvelles fonctions (services, d’équipements publics sportifs, culturels ou de loisirs), une mutualisation du stationnement et redéfinition de la trame viaire pour un meilleur partage modal de l’espace public, un renforcement de la trame verte au niveau des berges du Drac et création d’espaces publics structurants en cœur de zone.

  • Projet n°2 « L’Agretail Park de Comboire, vers une résilience fonctionnelle » : regrouper les commerces, mutualiser les infrastructures et les services pour libérer du foncier, remailler le territoire, injecter de nouvelles activités économiques et « renaturer » une partie du site.

  • Projet n°3 « L’île de Comboire, un territoire innovant mixant commerces et bureaux » : assumer l’insularité de Comboire, concilier le paysage d’activités économiques et commerciales et le paysage naturel (un renouveau de la forme urbaine et architecturale + infiltration du Grand Paysage), travailler une ergonomie urbaine dans un territoire d’activités innovant (un lieu d’économie mixte intégrant les nouveaux modes de travailler et consommer).

  • Projet n°4 « Accompagner l’ouverture de l’Espace Comboire de demain » : un projet qui fait système avec un maillage inscrit dans le fonctionnement de son territoire et dans son cadre paysager, une mutualisation du stationnement qui permet de créer de grandes zones piétonnes, renouvellement de l’architecture commerciale, injection de nouvelles fonctions économiques (tertiaire, commerce de gros, centre logistique…).

  • Projet n°5 « Le e-commerce, une opportunité de renouer avec le paysage et le territoire » : une programmation différenciée qui prend en compte les enjeux du e-commerce, un réseau de transport renforcé pour intégrer la zone d’activité de demain dans le territoire métropolitain, une nouvelle accroche paysagère et des espaces publics de qualité pour une pratique du site renouvelée).


En conclusion, les travaux des étudiants montrent que la croissance significative du e-commerce, le développement de l’économie numérique et du partage qui bouleverse l’entreprise et les modes de travailler, impliquent d’engager une réflexion profonde autour du renouvellement / repositionnement des zones économiques et commerciales de périphérie, si l’on souhaite notamment maintenir leur attractivité et palier à leurs dysfonctionnements.


Afin de rendre les zones d’activités économiques (ZAE) plus attractives, les étudiants ont montré que la réflexion sur les services aux entreprises et aux salariés, sur la mutualisation de certaines fonctions et infrastructures urbaines, sur l’amélioration de l’image (qualité architecturale des constructions et intégration paysagère…) et du fonctionnement urbain (renforcer l’accessibilité « modes actifs », retravailler les connexions aux quartiers périphériques…) est indispensable. On n’observe cependant pas de mutations profondes et la vocation « économique dédiée » de ces zones est clairement à préserver. Plus spécifiquement pour les zones commerciales de périphérie, les étudiants ont montré que le développement du « e-commerce » implique d’engager diverses réflexions en terme de positionnement / renouvellement du commerce de périphérie, de plus en plus délaissés par les urbains et concurrencés par les ventes en ligne. Ces réflexions doivent être menées conjointement à celles concernant l’avenir des centres-villes, dans une logique d’articulation « centres / périphéries ». Plus globalement, pour rester le canal de vente leader face au « e-commerce », le commerce physique (boutiques de centre-ville, magasins des zones commerciales de périphérie et autres grands centres commerciaux) doit se réinventer, réfléchir à son offre, ses prix, et l'expérience proposée aux clients.


Les projets développés par les étudiants sont coûteux à mettre en œuvre, voir même irréalistes pour certains. Toutefois, plusieurs leviers permettant d’assurer un relatif équilibre économique de la requalification de ces zones ont été proposés. D’autres propositions créent également des effets d’entraînement positifs indispensables pour permettre la réalisation complète des projets de requalification. La question de la mixité fonctionnelle dans les zones commerciales de périphérie, par le biais de l’implantation de logements, d’équipements publics et de services peut favoriser la création de nouveaux droits à bâtir sur le périmètre de l’opération de requalification urbaine. Lors de la définition de leurs projets de requalification, les étudiants ont proposé que certaines parcelles puissent être cédées afin d’y implanter ces types de programmes. Les revenus financiers supplémentaires issus de la vente de ces droits peuvent ainsi contribuer à tendre vers l’équilibre économique de l’opération d’aménagement.


Les travaux des étudiants montrent qu’il serait également souhaitable de repenser les règles inscrites dans les documents de planification et d’urbanisme qui ont tendance à « acter » et à « figer » l’occupation existante de ces zones… et ne permettent donc pas d’impulser ces dynamiques de mutation et de repositionnement.


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