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parole d'économiste

Transition énergétique : quelles opportunités

Écrit par : François Chel, Consultant stratégie et transition énergie-climat

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Patrick Criqui
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François Chel
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Depuis la Croix de Chamrousse, vue de l'agglomération grenobloise en Juillet 2015 lors d'un pic de pollution.

Quelle est la place du numérique, à l'heure où il est nécessaire d'accélérer la transition énergie-climat ?

Le numérique comme défi

Le numérique est aujourd’hui utilisé majoritairement dans un mouvement d’accélération de nos sociétés et beaucoup moins souvent, dans un souci d’optimisation et de réduction des dépenses énergétiques : toujours plus de données, toujours plus vite, pour consommer plus, pour produire plus.
Cela se caractérise par le marché de l’attention - la captation continue de l’attention des gens dans un objectif d’incitation à la surconsommation, ou l’automatisation systématique des chaînes de valeur dans l’industrie, l’énergie et les transports. Or, toutes ces machines utilisées pour booster notre production et in fine répondre à nos besoins de consommation émettent du CO2 : elles sont consommatrices d’énergies fossiles et d’électricité produite pour les 2/3 à partir d’énergies fossiles.


Les opportunités pour la transition

Le numérique offre pourtant de réelles opportunités pour la transition. C’est le cas avec la crise sanitaire liée à la Covid-19, où il est un levier de résilience de nos sociétés face à des crises systémiques (la crise climatique en est une). Il peut également servir d’outil pour réduire notre consommation d’énergie et nos émissions de CO2 à l’échelle de systèmes complexes inhérents à l’énergie, au transport, aux villes, à l’industrie.


Intégrer les contraintes environnementales

Avoir un réel impact positif implique d’intégrer les contraintes environnementales dans les opportunités que le numérique propose, de façon à prendre en compte les limites planétaires et minimiser l’effet rebond : « Phénomène paradoxal par lequel les économies d’énergie prévues par l’utilisation d’une nouvelle technologie sont partiellement ou complètement compensées à la suite d’une adaptation du comportement de la société. »3. Cela signifie intégrer l’empreinte environnementale comme critère de décision pour déployer une solution numérique, au même titre que des critères de coûts, délais, etc. In fine « la sobriété numérique, c’est passer d’un numérique instinctif voire compulsif à un numérique piloté, qui sait choisir ses directions »4.


Maîtriser l’effet rebond

L’effet rebond semble généralement surcompenser la dématérialisation induite par le progrès technologique5.
Par conséquent, le coût énergétique d’une société de plus en plus numérique vient lourdement impacter les efforts réels menés par les collectivités et les entreprises pour réduire les consommations. Il est nécessaire d’étudier en amont les coûts énergétiques et environnementaux de tout déploiement technologique ou stratégie de dématérialisation6. Ne pas prendre en compte cet aspect revient à faire échouer toute tentative de mise en œuvre d’une transition numérique au service de la transition écologique.


L’exemple de la 5G

La 5G n’échappe pas à cette règle.
D’après Huawei6, une antenne 5G consommera entre 2,6 et 3,5 fois plus d’énergie qu’une antenne 4G à charge équivalente. La 5G offre cependant un débit 10 fois plus important que la 4G. À débit équivalent, la 5G est donc plus efficace énergétiquement parlant.
On pourrait alors se dire que finalement, au global, on consomme moins d’énergie. C’est valable si le volume de données échangées reste équivalent à celui actuel. Mais c’est sans compter les effets rebond, avec une potentielle explosion du volume de données échangées.
D’après une étude de Vertiv7, le déploiement de la 5G augmenterait de 150 à 170 % la consommation énergétique de l’ensemble des réseaux d’ici 2026. Concernant les réseaux mobiles, la 5G génèrerait « au moins un doublement de la consommation électrique des réseaux mobiles » d’après The Shift Project.
Vient également la question de l’obsolescence programmée : la 5G nécessite de renouveler l’ensemble du parc de terminaux mobiles. L’empreinte écologique associée serait alors considérable.
Et quid des impacts sur notre santé et la biodiversité ?


Du bon sens

Il s’agit finalement d’une question de bon sens qui va au-delà du numérique : nous sommes dans une course effrénée à la performance technologique et économique, au détriment de notre environnement, du climat et du vivant. Nous détruisons les conditions-mêmes qui ont permis à l’humanité de se développer.
Nous devons accélérer la transition énergie-climat. Et pour cela, que ce soit dans le numérique ou plus généralement, dans nos sociétés, nous devons évoluer vers la sobriété.


1 Définition d’après le rapport du sénat du 24 juin 2020 : « Réduire l’empreinte environnementale du numérique : un état des lieux inédit et une feuille de route pour la France »
2 Définition d’après le rapport « Déployer la Sobriété Numérique », The Shift Project, 2020
3 D’après l’étude Magee & Devezas, 2017
4 Lire les recommandations présentes dans le rapport du CGEIET, 2019
5 Huawei, Livre blanc sur la 5G, 2019
6 Étude de Vertiv, 2019


entretien avec Patrick Criqui